LA PROF DU MOIS : LULA !

Comme à chaque rentrée, ça n’est pas un élève mais un(e) prof que l’on vous présente ! Pour ce mois de septembre, c’est Lula qui partage avec nous son histoire, son parcours : apprenez à découvrir un peu plus notre danseuse hors pair dans cette interview ! <3
Peux-tu te présenter en quelques mots ? 
Je m’appelle Lula, j’ai vingt-six ans. Je suis danseuse contemporaine et pole danseuse, et également
professeure dans ces deux disciplines artistiques.
Depuis quand enseignes-tu chez Pole Dance and Co ? Quels cours dispenses-tu ?
J’enseigne à l’école Pole Dance and Co depuis septembre 2019. Au début je ne donnais qu’un seul cours, et
aujourd’hui j’assure des cours dans ce studio les lundi, mardi, et mercredi soirs. Les disciplines que je
dispense sont :
– la pole dance (apprentissage des tricks et spins, jusqu’au niveau débutant 2)
– le stretch (cours de souplesse et de mobilité)
– l’exotic (pole chorégraphique en talons issue des clubs de strip-tease, qui met en avant le travail de la
sensualité, des attitudes sexy, de l’affirmation de soi)
et … mon bébé :
– le contempole (pole chorégraphique avec une approche par la danse contemporaine, qui valorise la
circulation du mouvement, l’expression du corps, l’écoute de soi et des autres)
Quel est ton parcours sportif ? Pratiques-tu/as-tu pratiqué d’autres sports en dehors des disciplines que tu enseignes ? 
Je danse depuis l’âge de sept ans. Au départ, ma mère m’a emmenée dans l’école de danse du village,
comme beaucoup d’autres petites filles à qui l’on fait faire une activité extra-scolaire (la déconstruction des
stéréotypes de genre n’avait pas encore eu lieu *rire grinçant*). Chaque semaine, je pleurais quand il fallait y
aller : j’avais peur des gens, j’avais peur de me retrouver seule, j’avais peur de la discipline… bref, c’était pas
gagné. Mais très vite, mon professeur m’a systématiquement mise au premier rang (ce qui ne m’empêchait
pas de continuer de pleurer). À cette époque, je pratiquais le modern jazz, et plus précisément la technique
Matt Mattox (chorégraphe et pédagogue considéré comme l’un des pères fondateurs de la danse modern jazz)
dont j’ai rejoint l’école lors de mes années lycée. Matt étant décédé en 2013, c’est son épouse et danseuse de
coeur Martine Mattox Limeul qui m’a transmis les codes rigoureux de la coordination et du travail de rythme,
les polyphonies corporelles, le lien du corps à la musique par la danse, mais aussi par la pratique des
claquettes pendant cinq ans. C’est elle aussi qui, par sa pédagogie, m’a fait découvrir les premiers
monologues de danseurs passionnés, quand elle parlait de sa danse et de son mari défunt comme d’un voyage
sur une mer infinie.
Mais enfant, petite Lula aurait préféré faire de la gymnastique. Alors à quinze ans, j’ai souhaité faire
de la pole dance après avoir vu le passage d’Anastasia Sokolova à Incroyable Talent (en cuir-latex-provoc’
sur une musique de Marilyn Manson : l’ado gothique que j’étais y a vu un nouveau mode d’expression intense
et illimité). Mon envie de gymnastique s’est retrouvée dans cette nouvelle forme de danse, alliant souplesse
et acrobaties ! Au bout de deux années de négociations, j’ai pu prendre mon premier cours de pole dance à
dix-sept ans, dans une école à Perpignan, avec l’accord de mes parents au début très réticents.
Puis à mon arrivée à Toulouse en 2015 pour ma vie étudiante, j’ai continué la pole dans l’école la plus
proche de mon lieu de vie. Ce fut un très bel hasard, que de tomber dans le studio tenu par une femme qui fut
d’abord un modèle, puis un mentor, et qui est finalement aujourd’hui une de mes amies les plus proches. J’ai
continué d’apprendre auprès d’elle, et puis, voyant mon intérêt grandissant pour me professionnaliser dans la
danse, Maureen Sainto m’a donné sa confiance pour enseigner la toute première fois dans son école. J’avais
alors pile vingt ans, à deux jours près de mon anniversaire. Et je me rappelle avoir pleuré comme la première
fois que je suis allée en cours de danse, parce que pour la première fois, on me donnait une responsabilité
que j’aimais, on me laissait être.
Parallèlement, je me suis formée professionnellement pendant quatre ans, pour obtenir mon Diplôme
d’Etat en danse contemporaine en 2022. J’ai d’abord passé une année à Art Dance International : c’est là que
j’ai réellement rencontré la danse contemporaine et que j’en suis tombée amoureuse. Ma vision du lien social
et du rapport aux choses qui nous entourent s’est vue transformée. J’ai appris à prendre l’espace et j’ai pu
appliquer dans le réel de la salle de danse les concepts de philosophie et d’art convoqués pendant mes études
en Khâgne. En suivant, j’ai passé trois années passionnantes à l’ISDAT (Institut Supérieur des Arts de
Toulouse) jusqu’à l’obtention du diplôme de professeure. Ce diplôme valide des connaissances en pédagogie
adulte et enfant, en anatomie et physiologie, en musique pour la danse, en histoire de la danse et en culture
chorégraphique.
Aujourd’hui cela fait six ans que j’enseigne la pole dance. Je sens que chaque année qui passe est
passionnante et formatrice, en art comme en humanité. J’ai hâte de développer davantage ma carrière sur le
plan scénique, en tant que danseuse interprète notamment.
Pourquoi avoir décidé d’en faire ton métier ?
Au départ, je souhaitais travailler dans le cinéma. Réaliser des films, capter le mouvement à travers
la caméra. C’est pourquoi à la sortie du bac S, on m’a plutôt orientée vers les classes préparatoires littéraires,
spécialité cinéma. Aujourd’hui je peux dire que c’était deux années d’enseignement très riches dont j’en vois
les bienfaits. Mais à l’époque, ma frustration était trop grande : ces études préparent aux grandes écoles, pas à
la technicité de l’art dans sa forme la plus brute. Déçue de n’être entourée que par des intellectuel.le.s
critiques et non des créateurs.rices, je voulais créer dans le présent, avec des « vrais gens », être dans
l’application et la transformation concrètes des choses. Alors mon envie de capter le mouvement s’est
changée en envie de fédérer autour du mouvement.
Que préfères-tu dans l’enseignement ?
De très loin, le partage humain. Les liens qui se tissent sans que les gens aient besoin de parler. Le
fait d’être entendue, de pouvoir amener les gens sur un chemin qui me semble être le bon, qui peut leur faire
du bien. Je crois que ce que je préfère, c’est lorsqu’à la sortie d’un cours, un.e élève me dise s’être senti.e libre
ou libéré.e. Quand je vois que j’ai réussi à leur faire traverser un état qui leur est personnel mais que tout le
monde a pourtant traversé au même moment. L’expression qui émane de leurs corps est ma victoire. Je
souhaite donner à mes élèves toutes les clés d’un corps mobile, les voir réussir à se connecter à leur corps, à
l’espace et à la musique. Ayant des tendances d’anxiétés sociales hors de mon travail, je crois que je trouve
ma place dans le fait d’enseigner car je sens que JE peux être ENSEMBLE.
Comment se passe une journée standard dans ta semaine ?
J’enseigne tous les soirs du lundi au vendredi, à peu près de 17H à 22H. À cela peuvent s’ajouter des
cours particuliers, des remplacements, cela dépend des jours et des semaines. Je trouve en général deux
moments dans ma semaine pour préparer mes cours.
Autrement, une journée typique se déroule un peu à l’envers de la plupart des gens. C’est-à-dire que
je me repose le matin (j’ai besoin de neuf heures de sommeil pour tenir le rythme), je retrouve des amis pour
promener mes chiens, je fais le ménage chez moi et autres tâches du quotidien, administratives etc. Après
avoir mangé, soit je pars m’entraîner avant mes cours, soit je cale d’autres rendez-vous ou cours privés sur
cette partie de la journée. Quand j’ai le temps et l’envie, j’essaye de cuisiner en journée des plats qui peuvent
me durer plusieurs jours, car quand je rentre le soir c’est repas type « pâtes au beurre » à une heure du matin,
après avoir promené les chiens ! Chaque soir, j’ai une routine d’une heure de massages et d’étirements
obligatoires pour pouvoir dormir sereinement. Cela limite les courbatures mais aussi la fatigue mentale, c’est
le moment de solitude dont j’ai besoin pour décharger, me recentrer. Je m’endors généralement vers deux ou
trois heures du matin.
Selon toi, quelles sont les compétences nécessaires pour enseigner ces disciplines ? 
Je pense qu’il y a énormément de compétences nécessaires pour être un bon pédagogue, et en aucun
cas je ne prétends toutes les avoir. Déjà, je dirais qu’il y a des qualités communes à avoir peu importe la
discipline enseignée, comme par exemple savoir observer ses élèves (leur personnalité comme la réalisation
dans la dite discipline), savoir s’exprimer intelligiblement et être en mesure de s’adapter en fonction du
groupe / de l’individu / de la situation. Je pense aussi qu’il faut être patient et savoir cerner les points forts et
points faibles de chaque personne pour mieux les guider vers la progression. Je pense qu’un enseignant doit
savoir affirmer sa posture et son autorité sans avoir à le faire, en captant l’attention d’un groupe par des choix
ludiques, novateurs ou fédérateurs. Je pense qu’un bon pédagogue est à l’image d’un tuteur qui se base sur les
racines, qui aide la plante à se développer, à grandir, puis à fleurir.
Concernant la pole (et la danse pour mon cas), je pense qu’un critère fondamental est d’avoir traversé
et enregistré suffisamment de sensations, de placement et d’états de corps pour être en mesure de les
transmettre avec justesse. Pour moi, l’observation et la lecture des corps sont primordiales, car il faut pouvoir
indiquer à l’élève ce sur quoi il doit travailler pour construire un corps de danseur ou de pole danseur. Et pour
cela, il faut pouvoir soi-même maîtriser les fondamentaux de la danse que sont : l’espace, le temps, le flux, le
poids. Et de même, être en mesure de développer les capacités proprioceptives chez l’élève, renforcer le
tonus musculaire, valoriser l’autonomie et la créativité, penser à leur sécurité.
Toutefois, je pense que le pédagogue doit garder en tête qu’il a été, qu’il est et qu’il restera toujours
élève, et ce quelles que soient les années d’expérience. L’humilité doit être vectrice d’humanité pour s’assurer
que le savoir circule toujours, que l’apprentissage ne finit jamais. Être en mesure de prendre ce que les élèves
nous donnent, s’enrichir de ça, mais aussi continuer de se former, de rester curieux, pour ne pas que le
ruisseau de la connaissance s’assèche. La remise en question de ses propres connaissances (le doute
cartésien) doit être la source de nouvelles formes d’intelligence, de pédagogies et de créations artistiques.
Quels sont les avantages et les inconvénients de ce métier ?
Je vais commencer par les inconvénients car c’est ceux qui me viennent en tête directement et que
j’essaie de résoudre ! Tout d’abord, je dirais qu’il me manque d’avoir certaines soirées pour voir des spectacles
de danse, de cirque, de théâtre, ou des concerts, comme je le faisais avant. Cela relie l’inconvénient que je
mettrai au haut de la liste : l’enseignement régulier de la pole et/ou de la danse épuise, et laisse finalement
peu de place à la créativité, la spontanéité des rencontres artistiques et l’enrichissement culturel. Je suis bien
trop souvent épuisée à force de donner toute mon énergie aux élèves toute l’année, si bien que je n’en trouve
plus pour moi, pour développer ma passion et perfectionner mon niveau (cf. le ruissellement du savoir
comme écrit plus haut). Cet inconvénient est aussi relié au statut de travailleur indépendant qui ne nous
permet pas d’avoir de congés payés, et donc si on culpabilise comme moi de ne pas travailler, et si on
angoisse à l’idée de faire une croix sur une partie de son salaire pour s’autoriser quelques jours de vacances…
et bien on ne s’arrête jamais. Et c’est un cercle vicieux que je cherche, comme d’autres collègues, à enrayer.
D’un autre côté, ce même statut de travailleur indépendant offre une liberté et une autonomie de
travail agréables, la possibilité d’avoir plusieurs projets en même temps. J’aime également beaucoup l’aspect
social du métier, être en contact avec des personnes venues pour passer du bon temps, prendre du plaisir,
rigoler, mais aussi agir comme une thérapie pour certaines personnes… en soi, c’est un métier super ! Mettre
de la musique, sauter comme des fous, faire des blagues… même si certains jours, comme tout le monde, je
n’ai pas envie d’y aller, une fois que j’y suis, je n’ai pas du tout l’impression de travailler ! Pour moi, les
métiers artistiques peuvent être durs à assumer car dits en dehors de la norme, peu sécurisants
financièrement, mais je pense qu’ils nous évitent aussi une certaine aliénation au travail, et qu’ils nous font
sans cesse requestionner le monde dans lequel nous vivons.
Est-ce que tu as fait/fait de la compétition ? Est-ce que ça t’attire ?
Oui, et non. Le monde de la compétition n’entre pas spécialement dans les principes que je porte et
essaie de transmettre dans mon enseignement, ni dans ma manière de pratiquer la pole dance. Je pense qu’il
est important de s’y frotter mais pas obligatoire, pour se faire son propre avis de l’expérience. Je pense que
certaines personnes ont besoin de ce mode d’exécution pour progresser, avoir un axe de comparaison, se
dépasser personnellement en se donnant des objectifs. Pour ma part, j’ai participé une fois à une compétition
régionale, et une fois à une compétition plus artistique se voulant chorégraphique. Dans les deux cas je suis
arrivée cinquième, avec un petit coup de coeur d’un.e des jurys pour autant. Et dans les deux cas, je me suis
heurtée à la priorisation des critères techniques et de propreté/difficulté d’exécution, plutôt qu’à l’expression
d’une sensibilité révélatrice de vibrations communes. J’ai besoin que le spectacle soit une expérience
collective, et non pas une démonstration individuelle où la table des juges devient une frontière limitant la
transmission d’un message au public, tarissant les échanges entre les compétiteurs.rices stressé.e.s à l’idée
d’être bien noté.e.s. Enfin, cela n’est que mon avis. Je sais qu’il y aussi énormément de bénéfices à participer
à une compétition.
Un /des aerialistes préférés ?
Sans hésiter Yvonne Smink, pour sa capacité à toujours trouver de nouveaux chemins plus avant-gardistes
! Et aussi pour sa force de travail qui permet de démocratiser la pole et la partager sur la scène
contemporaine actuelle, en travaillant avec de grands chorégraphes, en implantant la pole dans les théâtres
partout dans le monde, sans oublier de relier les arts du cirque aux arts de la rue, etc.
J’aurais une liste longue comme le bras à parler de mes influences (chorégraphiques, polesques,
musicaux…), mais je préfère n’en citer qu’une, autrement cet article ne finira jamais !
Quelle est la figure/pose qui t’a donné le plus de fil à retordre à maîtriser ? 
Étant naturellement hyperlaxe, les figures qui me donnent le plus de difficulté sont les figures de
force (type ayesha, iron-x, deadlift, et toutes les planches en général). J’ai du construire mon corps pour non
seulement savoir comment protéger mes articulations, mais aussi pour être plus gainée ! Et c’est pas du tout
mon point fort ahaha !
Quels sont les conseils que tu donnerais à une personne souhaitant se lancer dans ces disciplines ? 
D’accepter d’être comme on est et d’avancer à son rythme. D’essayer aussi plusieurs approches ou
plusieurs disciplines complémentaires (type stretch, renfo, pilates, mais aussi d’autres sports ou disciplines
artistiques) pour obtenir de meilleurs résultats. De ne pas chercher à se comparer mais plutôt de s’entraider.
ET ! De penser à bien respirer pendant l’effort, de pointer ses pieds !!!
Un petit mot pour la fin ? 
Qu’il n’y a pas meilleur mot que celui du corps, la mélodie de la danse, la poésie du geste.

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